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Parution

Des microbulles championnes de natation grâce aux ultrasons

Parution Le 24 novembre 2023

Une équipe internationale a montré que l’instabilité de flambage d’une couche de lipides déposée à la surface d’une microbulle produit une force de propulsion pouvant conduire à des déplacements de l’ordre du m/s, une découverte prometteuse pour des applications dans le domaine médical.

Pouvoir activer et contrôler des microchargements qui se déplaceraient au sein de la circulation sanguine est un Graal de la recherche biomédicale. Les propositions actuelles sont hélas caractérisées soit par une grande complexité technique, soit par une mobilité lente, une manœuvrabilité limitée et une mauvaise biocompatibilité. Or, dans cette gamme de taille caractéristique autour de la dizaine de microns,   un candidat intéressant existe sous la forme de microbulles recouvertes de lipides, déjà utilisées depuis des années comme agents de contraste échographiques. Soumises à un pulse d’onde ultrasonore, elles agissent comme agents échogènes et permettent une meilleure visualisation de la vascularisation, avec des résolutions s’améliorant d’année en année. Pour des pulses de plus grande intensité, elles peuvent être détruites et créer localement des contraintes ouvrant des voies entre les cellules tapissant les vaisseaux sanguins, et favorisant ainsi la pénétration de médicaments vers leur cible.

En partenariat avec l’Université de Freiberg et l’Université de Twente, des chercheuses et chercheurs du Laboratoire Interdisciplinaire de Physique de Grenoble (LIPhy, CNRS / Université Grenoble Alpes) ont étudié la possibilité d’activer ces mêmes microbulles selon d’autres modalités acoustiques et ont démontré, via des simulations numériques menée en parallèle avec une étude expérimentale, que ces microbulles peuvent atteindre un déplacement net significatif grâce à des cycles reproductibles et non destructifs de dégonflage et de regonflage. La direction de la nage peut être contrôlée indépendamment de l'axe de propagation des ultrasons, faisant de ces microbulles de bonnes candidates pour un pilotage contrôlé dans les applications d'imagerie moléculaire par ultrasons et d'administration de médicaments. La modélisation numérique a montré que des microbulles bien conçues pourraient nager à des vitesses de l’ordre du m/s (un ordre de grandeur extraordinaire vue la taille de ces bulles), permettant ainsi des déplacements efficaces au sein de la circulation sanguine. Ces résultats sont publiés dans la revue Communications Engineering.

Références

Coated microbubbles swim via shell buckling, Georges Chabouh, Marcel Mokbel, Benjamin van Elburg, Michel Versluis, Tim Segers, Sebastian Aland, Catherine Quilliet, Gwennou Coupier, Communications Engineering, publié le 7 septembre 2023. Doi : 10.1038/s44172-023-00113-z

microbulles
@ M.Mokbel et G. Chabouh

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Gwennou Coupier
gwennou.coupieratuniv-grenoble-alpes.fr (gwennou[dot]coupier[at]univ-grenoble-alpes[dot]fr)

Catherine Quillet
catherine.quilletatuniv-grenoble-alpes.fr (catherine[dot]quillet[at]univ-grenoble-alpes[dot]fr)

Revue : phénomènes de portance à bas nombre de Reynolds

Parution Le 20 novembre 2023

En hydrodynamique, un phénomène de portance apparaît lorsqu'une force agit sur un objet perpendiculairement à son mouvement initial. Dans la vie de tous les jours, nous connaissons bien cet effet qui permet par exemple aux avions de décoller ou aux ballons de football de suivre des trajectoires courbes.

Pour des objets aussi grands et rapides, l'inertie se combine à la brisure de symétrie (profil de l'aile ou rotation du ballon) pour donner naissance à la portance. Cependant, les forces de portance sont également en jeu à faible nombre de Reynolds, c'est-à-dire pour les petits objets ou les écoulements lents où la viscosité du fluide domine l'inertie. Ces forces découlent du rôle clé joué par les conditions limites de l'écoulement et la déformabilité des objets concernés : les gradients de vitesse, les déformations élastiques ou le transport dans les couches limites peuvent conduire à l'émergence de forces de portance. Ces forces sont cruciales dans de nombreux problèmes de matière molle et de biophysique tels que les écoulements de suspensions, le tri des particules, la lubrification des articulations ou la circulation sanguine. Dans cet article, nous passons en revue trois mécanismes importants qui donnent lieu à la portance et qui ont été initialement étudiés par des communautés de recherche distinctes : (i) les contacts élastohydrodynamiques lubrifiés qui se produisent lorsqu'un objet s'écoule à proximité d'une paroi déformable, (ii) les effets élastohydrodynamiques qui émergent lorsqu'un objet déformable est placé dans un gradient de vitesse d'écoulement, et (iii) la portance électrocinétique qui résulte du transport d'ions à la surface d'un objet chargé électriquement. Nous décrivons les principaux ingrédients à l'origine de ces forces de portance, discutons de leur importance et de leur pertinence respectives, et indiquons d'autres moyens possibles mais encore inexplorés de générer des forces de portance à zéro nombre de Reynolds.

Cette revue a été publiée dans E. P. J. E. (https://link.springer.com/article/10.1140/epje/s10189-023-00369-5)

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Le texte complet est disponible ici

Un « Tokamak » acoustique

Parution Le 13 octobre 2023

Grâce à des cages imprimées en 3D nous avions montré que l’on peut stabiliser des bulles dans l’eau sous n’importe quelle forme: cubes, sphères, et même anneaux. Ici nous imprimons un grand nombre bulles anneaux de 2cm, disposée sur un grand cercle pour obtenir un Tokamak acoustique.

En effet  sa géométrie ressemble à celle du Tokamak utilisé pour confiner magnétiquement les plasmas chauds destinés aux expériences de fusion nucléaire. 
Lorsque que ce Tokamak à bulles  est excité par des sons, les bulles oscillent fortement. Une première résonance collective des 24 bulles anneaux se produit, aux alentours de 500 Hz, deux fois plus bas que la fréquence de résonance d’une bulle seule car les bulles interagissent collectivement en phase. A plus haute fréquence, d’autres modes apparaissent où les bulles ne sont pas en phase.
Une originalité du champ acoustique au sein du Tokamak à résonance est sa grande homogénéïté, alors qu’habituellement le niveau sonore  varie fortement quand on se déplace près d’une source. Ce qui fait de ce Tokamak un objet acoustique unique.  

Références :

Acoustic Tokamak with strongly coupled toroidal bubbles, A. Caumont, O. Stephan, E. Bossy, B. Dollet, C. Quilliet, and P. Marmottant, Physical Review E 108,  045105

tokamak
Tomamak Acoustique

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Philippe MARMOTTANT
philippe.marmottantatuniv-grenoble-alpes.fr (philippe[dot]marmottant[at]univ-grenoble-alpes[dot]fr)
 

Vers un protocole de préparation unifié pour étudier la mécanique des globules rouges

Parution Le 10 mars 2023

L'étude sur puce du flux sanguin est devenue un outil puissant pour évaluer la contribution de chaque composant du sang à sa fonction globale.

Huit laboratoires du groupe de recherche Mécabio Santé ont partagé leurs savoir-faire et méthodes pour étudier l’influence de la conservation et de la préparation des échantillons sanguins sur le comportement mécanique des globules rouges. Publiés dans la revue Biophysical Journal, ces travaux ont abouti à de nouvelles recommandations pour standardiser les pratiques et faciliter la comparabilité des mesures entre laboratoires.

Facile à prélever et stocker, le sang fait l’objet de nombreuses études in vitro. Étant constitué d’une grande quantité de cellules déformables, majoritairement les globules rouges, il se distingue par un comportement mécanique complexe, qui impacte ses différentes fonctions telles que l’apport des nutriments et du dioxygène aux organes, l’élimination des déchets, la régulation de la température corporelle et la surveillance immunitaire active. En France, plusieurs équipes de recherche se sont focalisées sur le comportement du sang dans la microcirculation, où les globules rouges transitent en se déformant dans des vaisseaux à peine plus larges qu’eux.

Mais avant d’être utilisés dans des expériences in vitro, les globules rouges sont conservés et manipulés dans des conditions qui peuvent impacter leur propriété mécanique. Il n’existe cependant pas de protocole universel et chaque équipe de recherche suit ses propres méthodes empiriques. Sept laboratoires du Groupement de recherche Mécanique des matériaux et fluides biologiques (GDR MÉCABIO1) ont donc réuni leurs chercheurs et chercheuses autour d’une table afin de partager, comparer et tester leurs protocoles.

Les scientifiques ont ainsi pu émettre de nouvelles recommandations pour minimiser l’impact des conditions de conservation et de préparation du sang sur le mouvement individuel, ou collectif, des globules rouges dans une large gamme de conditions d’écoulement. Leur réponse doit en effet être la plus proche possible de celle attendue en situation physiologique. Ce premier pas vers une standardisation des pratiques devrait faciliter la comparaison des propriétés mécaniques des globules rouges entre les différentes équipes de recherches. Cela bénéficiera notamment aux études sur les maladies où les propriétés mécaniques du sang sont en jeu, comme la drépanocytose. Ces résultats ont été publiés dans la revue Biophysical Journal.

Références :

Influence of storage and buffer composition on the mechanical behavior of flowing red blood cells.
Adlan Merlo, Sylvain Losserand, François Yaya, Philippe Connes, Magalie Faivre, Sylvie Lorthois, Christophe Minetti, Elie Nader, Thomas Podgorski, Celine Renoux, Gwennou Coupier, and Emilie Franceschini.
Biophysical Journal, Volume 122, Issue 2, 17 January 2023.
https://doi.org/10.1016/j.bpj.2022.12.005

manipulation d’échantillon sanguin

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Gwennou Coupier
Bureau 309
LIPhy et GDR MÉCABIO Santé, CNRS
gwennou.coupieratuniv-grenoble-alpes.fr (gwennou[dot]coupier[at]univ-grenoble-alpes[dot]fr)

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Article disponible sur la base d’archives ouvertes HAL

Les poissons évacuent en respectant une bulle sociale

Parution Le 23 juillet 2023

Les mouvements de foule sont observés chez différentes espèces et à différentes échelles, des insectes aux mammifères, ainsi que dans des systèmes non cognitifs, tels que les cellules motiles.

Lorsqu'ils sont contraints de s'échapper par une ouverture étroite, la plupart des animaux terrestres se comportent comme des matériaux granulaires et les phénomènes de blocage diminuent l'efficacité de l'évacuation. Ici, nous explorons le comportement d'évacuation d'agents aquatiques macroscopiques, les poissons néons, et nous remettons en question leur comportement grégaire en forçant le banc à passer par un passage étroit. En utilisant une méthode d'analyse statistique développée pour la matière granulaire et appliquée à l'évacuation des foules, nos résultats montrent clairement que, contrairement aux foules de personnes ou aux troupeaux de moutons, aucun bouchon ne se produit au niveau du goulot d'étranglement. Les poissons ne se heurtent pas et attendent un temps d'attente minimum entre deux sorties successives, tout en respectant une distance sociale. Lorsque la taille de l'ouverture devient similaire ou inférieure à leur distance sociale, les domaines individuels définis par cette distance cognitive se déforment et la densité de poissons augmente. Nous montrons que le courant des poissons qui s'échappent se comporte comme un ensemble de bulles 2D déformables, passant à travers un rétrécissement. Les bancs de poissons montrent qu'en respectant les règles sociales, une foule d'individus peut s' évacuer sans blocage, même en situation d’urgence.

Alors que les humains ou les moutons provoquent des bouchons lors de l’évacuation par une ouverture étroite, les poissons grégaires évacuent sans blocage en cherchant à maintenir tant que possible une distance sociale entre individus. Tel est le résultat expérimental que viennent d’obtenir des scientifiques grenoblois du Laboratoire interdisciplinaire de physique (Liphy – UGA/CNRS) et du Laboratoire de psychologie et neurocognition (LPNC – UGA/CNRS). Cette découverte a été publiée dans la revue Scientific Reports de Nature le 20 juillet.
Dans la nature, les mouvements collectifs sont observés quelle que soit l’échelle spatiale : des bactéries aux mammifères en passant par les oiseaux et les poissons. Lorsqu’elles sont obligées à passer en groupe par une ouverture étroite, la plupart des espèces terrestres se comportent comme des grains solides et des blocages intermittents diminuent l’efficacité de l’évacuation. La question de l’universalité de ce phénomène était posée mais aucune étude n’avait abordé la question pour des systèmes collectifs vivant en trois dimensions, dans l’air ou dans l’eau. L'étude expérimentale de scientifiques du Liphy a révélé que des poissons grégaires, les néons, font preuve d'une remarquable capacité à maintenir une distance cognitive individuelle lorsqu'ils sont confrontés à la nécessité d'adopter un comportement individuel lors d’un franchissement un à un d’une constriction. Ce travail interdisciplinaire est publié dans la revue Scientific Reports.

Des poissons bien dans leur « bulle sociale »

L'expérience menée au Liphy par une physicienne, des physiciens et un éthologue a consisté à observer des poissons néons lors de leur passage par une ouverture étroite qui ne permettait qu'à un ou deux poissons de passer à la fois. Les scientifiques ont utilisé un modèle statistique pour analyser le comportement des poissons et ont constaté qu'au lieu de se bousculer ou de créer des embouteillages, chaque poisson essayait activement de maintenir une distance cognitive avec ses congénères. Ce comportement s'apparente au concept de "bulle sociale", la taille de la bulle représentant la distance cognitive entre les poissons. De fait, les scientifiques du Liphy ont exploré cette analogie et montré que la dynamique d’évacuation du groupe de poissons est identique à celle d’une assemblée de bulles d’air passant par une petite ouverture (travaux expérimentaux d’autres laboratoires). La bulle sociale, et virtuelle, de chaque poisson doit se déformer comme une bulle bien réelle pour passer par un orifice de taille réduite. Ces travaux mettent en évidence les mécanismes complexes par lesquels les poissons néon adaptent leurs interactions sociales pour naviguer dans des espaces contraints physiquement. Ces résultats permettent de mieux comprendre le comportement des bancs de poissons soumis à une contrainte, mais encore leur capacité à maintenir une distance cognitive et à ajuster dynamiquement leur bulle sociale pourrait servir d'inspiration pour la conception d'essaims de robots naviguant dans des environnements complexes. Alors que nous continuons à explorer la dynamique complexe du comportement animal, la nature reste une source d'inspiration importante pour concevoir des solutions innovantes aux défis du monde réel.

 

Référence

Fish evacuate smoothly respecting a social bubble. Renaud Larrieu, Philippe Moreau, Christian Graff, Philippe Peyla and Aurélie Dupont. Scientific Reports (2023)

 

Poissons_neons
Poissons néons nageant en groupe dans l’aquarium du laboratoire. (crédit A Dupont)

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Imagerie par corrélation de speckles à travers une fibre multimode kaléidoscopique

Parution Recherche Le 27 juin 2023

Le premier kaléidoscope a été réalisé au début des années 1800 par Sir David Brewster, qui fut séduit par la beauté des motifs générés, à la fois symétriques et très complexes. Dans une récente étude menée au sein du Laboratoire interdisciplinaire de physique de Grenoble (LIPhy - CNRS/UGA) et publiée dans PNAS, des scientifiques démontrent que l'effet kaléidoscopique, au-delà de sa fonction artistique, peut être utilement exploité par les scientifiques travaillant avec des fibres optiques.

Le développement des endoscopes par fibre optique est motivé par certaines applications biomédicales telles que l'imagerie cérébrale. Les fibres multimodes, dont la taille est typiquement comparable à celle d'un cheveu, sont d'excellentes candidates afin de minimiser le caractère invasif de ces procédures. Cependant, la propagation de la lumière dans les fibres multimode est très complexe. En effet, dans ce type de fibres, la lumière se propage de manière imprédictible, produisant des motifs difficiles à interpréter en sortie de fibre. Des techniques existent actuellement afin de reconstruire des images à partir de tels motifs, mais ces techniques sont très sensibles aux déformations appliquées à la fibre, ce qui limite fortement les possibilités d’applications en biologie.

figure_concept_fr.png

Dans cette étude, des scientifiques du LIPhy démontrent qu’il est possible de produire des images intelligibles avec des fibres multimodes même lorsque celles-ci sont déformées. Pour cela, ils se sont inspirés du kaléidoscope de Sir David Brewster, et ont troqué les fibres habituelles, qui possèdent un cœur circulaire, pour des fibres à cœur carré. En effet, les propriétés de symétrie de ces fibres génèrent un effet kaléidoscopique remarquable, qui transporte de l'information de manière robuste aux déformations. Ils ont testé cette méthode en reconstruisant des images de micro-sources fluorescentes à travers la fibre, alors même que celle-ci était déformée de manière aléatoire, reproduisant ainsi l'aspect dynamique des perturbations qui se produisent typiquement lors de l'étude d’organismes vivants. Ils ont ainsi démontré que, malgré ces perturbations, il est possible de reconstruire des images fidèles de ces micro-sources à travers la fibre. Cette nouvelle technique s’annonce ainsi prometteuse pour le développement d’endoscopes miniatures pour l’imagerie biomédicale.

Références :

Speckle-correlation imaging through a kaleidoscopic multimode fiber
Dorian Bouchet, Antonio Miguel Caravaca-Aguirre, Guillaume Godefroy, Philippe Moreau, Irène Wang, Emmanuel Bossy. PNAS - Juin 2023. DOI

liphy
Effet kaleidoscopique illustré ici avec le logo imprimé du laboratoire

Les courants ioniques à la base de la génération du potentiel d’action

Parution Le 9 mai 2023

Le potentiel d’action, c’est-à-dire le signal électrique fondamental qui transmet l’information dans le cerveau, démarre dans le segment initial de l’axone.

Il génère grâce à l’activation rapide des canaux sodiques voltage-dépendent qui occasionnent le courant sodique responsable de la phase montante de l’impulse nerveuse. En utilisant une combinaison de techniques d’imagerie ultrarapide et un nouveau peptide sélectif pour le sous-type de canal sodique Nav1.2, des chercheurs du LIPhy ont analysé la génération du potentiel d’action dans l’axone des cellules pyramidales corticales de la souris [*]. Cette recherche a démontré que le canal sodique Nav1.2 produit également un courant calcique qui active le canal potassique BK en déterminant la forme du potentiel d’action. Cette découverte avance notre connaissance de la génération du potentiel d’action et peut être important dans la compréhension des nombreuses pathologies associées à l’excitabilité nerveuse.

Reference :

[*] Filipis L, Blömer LA, Montnach J, Loussouarn G, De Waard M, Canepari M. Nav1.2 and BK channel interaction shapes the action potential in the axon initial segment. J Physiol. 2023 Mar 22. doi: 10.1113/JP283801.

Séquence des courants ioniques
Séquence des courants ioniques qui déterminent la forme du potentiel d’action dans le segment initiale de l’axone

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Marco CANEPARI
marco.canepariatuniv-grenoble-alpes.fr (marco[dot]canepari[at]univ-grenoble-alpes[dot]fr)

Laila A. BLOMER
laila.blomeratuniv-grenoble-alpes.fr (laila[dot]blomer[at]univ-grenoble-alpes[dot]fr)

Sonder la mécanique des tissus biologiques en utilisant leurs propres cellules comme actuateurs

Parution Recherche Le 28 février 2023

En combinant ingénierie tissulaire et optogénétique, des biophysiciens ont transformé des cellules en micro-actuateurs biologiques afin d'étudier la propagation spatio-temporelle des signaux mécaniques dans les tissus biologiques et de caractériser l'architecture et les propriétés viscoélastiques de ces tissus.

In vivo, les cellules appliquent des forces sur leur environnement afin de se déplacer, de se diviser ou de modifier cet environnement, mais aussi afin de communiquer et de se coordonner avec leurs voisines à longue distance. Dans les approches standards, l'exploration de ces mécanismes se fait par le biais d'actuations mécaniques externes qui visent à imiter ces signaux mécaniques. Toutefois, il reste difficile d'évaluer comment ces stimuli externes se comparent aux contractions que les cellules exercent spontanément. Par ailleurs, des traitements biochimiques permettent de moduler les processus cellulaires responsables de ces signaux, mais leur incapacité à cibler des zones de tissus définies dans l'espace et leur faible résolution temporelle, limitent fortement leur potentiel. Dans cet article une nouvelle approche est proposée afin d'élucider comment les forces cellulaires sont générées, propagées et détectées dans les tissus physiologiques et pathologiques.

Des biophysiciens du Laboratoire Interdisciplinaire de Physique de Grenoble (CNRS - Univ. Grenoble Alpes) ont cherché à sonder les propriétés mécaniques des tissus biologiques "de l'intérieur", comme le font naturellement les cellules. Pour cela, ils ont combiné ingénierie tissulaire et optogénétique. L'ingénierie tissulaire leur a permis de générer des microtissus tridimensionnels, composés de fibroblastes encapsulés dans du collagène, suspendus entre deux micropiliers dont la déflexion permet de suivre la tension tissulaire en temps réel. L'approche optogénétique consiste à modifier génétiquement les fibroblastes afin de contrôler par la lumière l'activité d'un régulateur majeur de leur contractilité. Grâce à la résolution spatiale et temporelle des stimulations lumineuses, ils ont induit des contractions locales dans ces microtissus, tout en mesurant les déformations en résultant. Ils ont ainsi quantifié les propriétés viscoélastiques de ces microtissus, du "point de vue" des cellules, et ont démontré le potentiel de cette approche pour quantifier l'impact du collagène ou de l'initiation d'une fibrose sur l'élasticité tissulaire. La possibilité d'illuminer seulement une partie du tissu leur a permis de cartographier les anisotropies locales dans des microtissus hétérogènes et d'influencer la formation de ces tissus. Ces résultats ouvrent la voie au contrôle spatio-temporel de la formation de tissus tout en cartographiant de manière non destructive leur rhéologie en temps réel, en utilisant leurs propres cellules constitutives comme actionneurs internes.

Références :

Méry A, Ruppel A, Revilloud J, Balland M, Cappello G & Boudou T. Light-driven biological actuators to probe the rheology of 3D microtissues. Nat. Commun.14, 717 (2023). doi:10.1038/s41467-023-36371-w

microtissu

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Thomas BOUDOU
Bureau 125
thomas.boudouatuniv-grenoble-alpes.fr (thomas[dot]boudou[at]univ-grenoble-alpes[dot]fr)

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Les globules rouges se contorsionnent pour notre santé !

Parution Le 6 février 2023

Des chercheurs ont montré que la déformabilité des globules rouges est un ingrédient essentiel pour assurer leur diffusion homogène dans le réseau terminal des vaisseaux sanguins, quand le diamètre de ceux-ci est à peine plus grand que la taille des globules.

La bonne circulation des globules rouges (GR dans la suite du texte) dans l’organisme est une question essentielle au bon fonctionnement du corps humain, car outre leur fonction bien connue de véhicules de l’oxygène respiré, ils transportent également de nombreux métabolites comme l’ATP, destinés à être livrés in fine aux organes via le réseau terminal des tout petits vaisseaux sanguins (les capillaires), dont le diamètre est à peine plus grand que la taille des globules eux-mêmes.

La loi de transport des GR dans ces microvaisseaux est restée très mal connue pendant des décennies. L’image classique qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui supposait que dans chaque branche du réseau vasculaire l’écoulement sanguin ne dépendait pas de son trajet antérieur dans les vaisseaux sanguins en amont : les fluctuations thermiques, les désordres locaux de l’écoulement étaient supposés rendre les trajectoires aléatoires et les globules choisir aux intersections leur direction au hasard.

Dans un travail réalisé au Laboratoire interdisciplinaire de physique (LiPhy, CNRS / Université Grenoble Alpes), en collaboration avec l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse (IMFT, CNRS / Toulouse INP / Université Toulouse – Paul Sabatier), et le Laboratoire ondes et matière d'Aquitaine (LOMA, CNRS / Université de Bordeaux), des chercheurs proposent un modèle qui précise, voire remet partiellement en question ce dogme. En effet, quand l’écoulement concerne les capillaires sanguins, ils montrent que la turbulence n’est plus opérante pour rendre chaotique le transport de particules individuelles rigides, qui sont alors advectées par l’écoulement de façon très prédictive, le long des lignes de courant. Quand une particule se présente à un carrefour, portée par la partie du flot qui se destine à « tourner à gauche » par exemple, elle va sans surprise faire de même si sa forme est suffisamment circulaire ou sphérique. Les chercheurs notent cependant qu’une forme rigide suffisamment allongée et asymétrique est susceptible de donner aux particules un esprit de contradiction à chaque carrefour et lui faire prendre une direction différente de celle du flot dans laquelle elle baigne majoritairement ! Ceci dit, cette opposition est systématique et induit de fait une trajectoire beaucoup plus prévisible et donc potentiellement dangereuse s’il s’agit de porter des nutriments de façon homogène dans un réseau de capillaires. La moindre sélectivité dans la distribution des GR dans le flot risque en effet de se traduire en aval par des inhomogénéités de répartition et d’induire un stress biologique dans des organes insuffisamment approvisionnés en GR.

Pour éviter cette sélectivité, essentiellement induite par le diamètre très faible des capillaires (et sans doute également pour éviter les occlusions vasculaires liées aux diamètres dangereusement comparables des vaisseaux capillaires et des GR), les chercheurs montrent que les processus d’évolution ont fait émerger une réponse extrêmement astucieuse, en dotant les GR d’une flexibilité qui les obligent à se déformer en arrivant aux intersections où le cisaillement change de façon importante. Cette déformation rétroagit localement sur l’écoulement et induit une chaoticité temporaire qui rend finalement aléatoire le choix par le GR de la direction en sortie de la bifurcation. Du point de vue plus global, l’exploration latérale du réseau des artérioles devient alors diffusive et assure une visite statistiquement homogène du réseau par une assemblée de GR distribués en amont de façon identique. De façon complémentaire, les chercheurs montrent aussi que quand la concentration de GR est suffisamment grande, les interactions entre GR induisent assez de perturbations dynamiques aux bifurcations pour générer également une diffusion normale, même en présence de globules plus rigides.

La portée de ce travail ne se limite pas uniquement aux globules rouges, mais reste valable pour toute particule déformable, comme les gouttes, les capsules, et les cellules à noyau (comme celles du système immunitaire ou les cellules cancéreuses). Cette étude pourrait donc aider à mieux comprendre les propriétés de transport d’un large éventail de systèmes, et guider par exemple la conception de circuits microfluidiques pour les biotechnologies lab-on-a-chip pour diagnostics et tris cellulaires. Ces résultats sont publiés dans la revue Physical Review Letters.

(Repris de l'actualité INP CNRS du 6 février 2023)

globule rouge
Trajectoires typiques des particules (de la gauche vers la droite). En noir, une particule sphérique rigide: initialement (tout à gauche) dans la partie supérieure du canal, elle impacte la première bifurcation légèrement au-dessus et continue donc dans l

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Chaouqi Misbah, Equipe Eccel
chaouqi.misbahatuniv-grenoble-alpes.fr (chaouqi[dot]misbah[at]univ-grenoble-alpes[dot]fr)

Communication INP CNRS
inp.comatcnrs.fr (inp[dot]com[at]cnrs[dot]fr)

Anomalous Diffusion of Deformable Particles in a Honeycomb Network

Z. Shen, F. Plouraboué, J. S. Lintuvuori, H. Zhang, M. Abbasi, C. Misbah, Physical Review Letters, paru le 03 janvier 2023.
DOI: 10.1103/PhysRevLett.130.014001
Archives ouvertes HAL

Dans les médias

Simulated blood cells anomalously diffuse through microfluidic channels
Physics Today

Memory of Blood Cells
Physics 16, s4

Mort cellulaire et dynamique du protéome

Parution Le 16 janvier 2023

Les organismes se sont adaptés pour prospérer dans une plage de températures étroite et bien définie. Les humains sont à l'aise dans des conditions ambiantes, mais d'autres organismes peuvent supporter des températures beaucoup plus élevées, même au-delà de la température d'ébullition de l'eau. La façon dont la température tue une cellule n'est pas complètement comprise, mais elle est cruciale à bien des égards. Par exemple, pour comprendre comment la vie a évolué sur notre planète, et comment elle peut potentiellement se développer ailleurs. Nous devons également tenir compte de la façon dont des changements de température, même minimes, dans l'environnement en raison des problèmes climatiques peuvent déséquilibrer la répartition actuelle des organismes vivants. Enfin, comment les approches thérapeutiques peuvent être optimisées pour tuer les cellules cancéreuses en augmentant localement la température des cellules.

Pour développer et simplifier l'histoire, utilisons une métaphore. Une cellule ressemble à une usine où les protéines représentent la laborieuse classe ouvrière. Elles transforment l'énergie et les composés, elles fournissent la force mécanique nécessaire à la mobilité et à la stabilité et elles décodent l'information génétique. Lorsque nous augmentons légèrement la température, l'efficacité de leur activité augmente. C'est comme un regain d'énergie. Elles ont plus de "force" et d'"énergie" pour accomplir la tâche. D'un point de vue physique, cela s'explique par ce que l'on appelle le facteur de Boltzmann. La température influe également sur un autre aspect, plus subtil, elle augmente le transport des matières à l'intérieur de la cellule. Cependant, lorsqu'une température critique est atteinte, les protéines sont déstabilisées. L'efficacité du travail est compromise. Revenons à la question initiale : à la température critique (connue sous le nom de température de mort cellulaire), est-ce que toute la classe ouvrière cesse de produire ou seulement une poignée de travailleurs, qui contrôlent des positions clés dans la chaîne de production, cessent leur activité ? 
Nous nous sommes récemment penchés sur la question (lire le manuscrit en accès libre ici), et avons trouvé un soutien à l'idée qu'une petite quantité de protéines se déplie et cesse d'être opérationnelle à la température de mort cellulaire. En parallèle, en fondant, les protéines modifient les propriétés dynamiques du milieu environnant. La viscosité locale augmente de façon spectaculaire. Dans un certain sens, selon notre métaphore initiale, c'est comme si, en se dépliant, elles ralentissaient toutes les chaînes de montage de l'usine. La raison moléculaire de cet effet n'est pas du tout surprenante. Lorsqu'une protéine se déplie, elle devient un spaghetti long et souple qui a tendance à coller les macromolécules environnantes et l'environnement commence à ressembler à un gel. En bref, les quelques protéines qui se déplient ne doivent pas nécessairement agir comme des enzymes pivots dans des schémas métaboliques critiques. Leur dépliage pourrait suffire à supprimer certaines réactions métaboliques contrôlées par la diffusivité locale. La question est ouverte.....

Plus d'info

Températue et mort cellulaire : une histoire de viscosité (CNRS)

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Judith Peters
judith.petersatuniv-grenoble-alpes.fr (judith[dot]peters[at]univ-grenoble-alpes[dot]fr)

Diffusive Dynamics of Bacterial Proteome as a Proxy of Cell Death

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