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Spectroscopie d’absorption moléculaire

Historiquement, ces techniques spectroscopiques sont longtemps restées incapables d’atteindre les niveaux de précision analytique accessibles par spectrométrie de masse (quelques ppm pour la mesure des abondances relatives). Cependant, elles progressent très rapidement depuis plusieurs années, et les instruments optiques les plus précis, aussi bien académiques que commerciaux, ont commencé à rivaliser avec la spectrométrie de masse pour certaines applications, comme la mesure du Δ17O dans la vapeur d’eau et du "clumping" isotopique dans le méthane ou le CO2.

Ces techniques offrent de plus certains avantages incontestables (très grande sensibilité, mesure non destructive, capacité à discriminer entre isotopologues de même masse totale, à identifier d’éventuels contaminants...). A titre d’exemple, la mesure du Δ17O dans le CO2 par spectrométrie de masse exige de distinguer entre deux isotopologues de masses très proches (« isobares ») : 16O13C17O et 16O12C17O (ci-après notés 636 et 627 respectivement). Les approches actuelles de la spectroscopie de masse reposent soit sur la conversion chimique de CO2 en O2, soit sur la détection de fragments moléculaires (atomes d’oxygène arrachés à la molécule de CO2 dans la source d’ionisation du spectromètre de masse). La première de ces approches est loin d’être triviale, avec des protocoles expérimentaux plus ou moins lourds conditionnés à des investissements importants. La seconde approche repose sur l’utilisation de spectromètres de ultra-haute résolution coûtant plusieurs millions d’euros, avec des analyses de très longue durée (précision de 14 ppm après 20 h de mesure).
 

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En théorie, la spectroscopie d’absorption permet de directement mesurer Δ17O en déterminant l’abondance des isotopologues 626, 627 et 628 sans interférence de la part de 636, à condition d’atteindre les niveaux de précision nécessaires (quelques ppm). Cela dit, la plupart des spectromètres laser commerciaux restent aujourd’hui surtout remarquables par leur simplicité d’usage apparente et leur capacité à effectuer des mesures rapides, en temps réel, et/ou hors du laboratoire. Il reste indubitablement des progrès à faire avant que la spectroscopie d’absorption puisse prétendre détrôner les techniques isotopiques traditionnelles en termes de précision analytique.

Les principaux problèmes à résoudre concernent la stabilité/reproductibilité des mesures à court et à long terme et les corrections de diverses « non-linéarités » (effets de pression en particulier). Malgré cela, le consensus actuel dans la communauté géochimique est que les techniques optiques sont sur le point de remplacer la spectrométrie de masse pour des applications exigeantes comme la mesure des anomalies isotopiques, et qu’elles constituent un domaine de recherche hautement stratégique dans les années qui viennent.

Acteurs

Samir KASSI
Erik KERSTEL
Daniele ROMANINI

Publié le 21 février 2022

Mis à jour le 14 février 2024