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La connaissance insuffisante du spectre du méthane (CH4) à basse température a pendant longtemps constitué une limitation majeure à l’analyse des données spectrales de certaines planètes. Sur la base de spectres de laboratoire obtenus par des techniques laser ultra sensibles, l’équipe LAME est récemment parvenue à construire deux listes de raies d’absorption pour le méthane à 80 K et 296 K dans la gamme 1.26-1.71 µm.
La liste WKLMC (Wang Kassi, Leshchishina, Mondelain & Campargue) permet de simuler le spectre du méthane entre 80 K et 300 K. La liste à 80 K est devenue la liste de référence pour les applications planétologiques. Elle a déjà été appliquée avec succès aux atmosphères de Titan, Pluton, Uranus, Saturne et Jupiter. La liste à 296 K est désormais intégrée à la base de données spectroscopiques HITRAN qui fait référence pour les applications atmosphériques.
Dans le cadre d’un financement de l’Agence Nationale pour la Recherche (ANR CH4 @ Titan), nous collaborons avec des planétologues du LESIA (UMR CNRS – Observatoire de Paris) impliqués dans la mission Cassini-Huygens pour l’étude de Saturne et Titan. Le méthane est un constituant important de l’atmosphère de Titan et des planètes géantes (Saturne, Jupiter,…) et est un des principaux absorbants du spectre infrarouge de ces atmosphères. Par exemple, l’atmosphère de Titan est constituée de 2-5% de méthane dans l’azote à une pression de 1.5 bar et à des températures de T= 70-115 K dans la troposphère jusqu’à 180-200 K dans la stratosphère.
En l’absence de modèle théorique satisfaisant pour le spectre du méthane, des données expérimentales exactes et exhaustives à basse température s’avèrent essentielles pour étudier ces atmosphères. Ainsi, les fenêtres de transparence, correspondant aux régions de faible absorption entre les bandes de forte absorption du méthane (Fig. 1), permettent d’accéder à la composition de la basse atmosphère et à l’albédo de surface de ces planètes.
Nous avons donc étudié le spectre du méthane en laboratoire à haute résolution spectrale entre 1.21 et 1.72 µm à la fois à température ambiante et à 80 K (-190 °C), grâce à cellule cryogénique refroidie à l’azote liquide. Pour cela nous avons utilisé la technique CRDS (Cavity Ring down Spectroscopy), dans les fenêtres de transparence à 1.58 et 1.28 µm et la technique d’absorption différentielle dans les gammes de fortes absorption.
Les listes de raies WKLMC à 296 K et 80 K
A partir des différents spectres enregistrés nous avons pu construire deux listes de raies l’une à 296 K et l’autre à 80 K (listes WKLMC)[1] qui contiennent chacune plus de 50 000 transitions pour l’ensemble de la région (5852-7920 cm-1) (Fig. 2).
Ces listes comprennent, pour chaque transition, la position, l’intensité et l’énergie du niveau inférieur de la transition à partir de la mesure de l’intensité de la transition à deux températures (296 et 80 K), ce qui permet d’extrapoler l’intensité à toute température intermédiaire. Nous avons également réalisé, pour la plupart des transitions, l’identification de l’isotopologue auquel elle appartient. Cette identification a été effectuée grâce à des mesures complémentaires par spectroscopie d’absorption différentielle avec du méthane enrichi en 13CH4 et en CH3D.
Un résultat inattendu a été la mise en évidence que CH3D est l‘absorbant dominant à 80 K dans la fenêtre à 1.58 µm, et ceci en dépit de sa très faible concentration (5.0x10-4) (Fig. 3). Ce travail d’identification est crucial pour CH3D dont l’abondance relative (et donc la transparence de la fenêtre à 1.58 µm) varie énormément suivant l’objet planétaire étudié (par exemple un facteur 6 pour Jupiter).
Applications des listes WKMC : le cas de Titan (en collaboration avec le LESIA-Meudon)
La liste WKLMC à 80 K est devenue la liste de référence pour des applications en planétologie. Elle a déjà été utilisée avec succès pour analyser les spectres de Titan, Uranus, Pluton, Saturne et Jupiter. En utilisant nos listes de raies, le spectre du méthane a pu être simulé pour l’atmosphère de Titan et comparé avec celui enregistré à haute résolution depuis la Terre avec l’instrument CRIRES[2]. La figure 4 montre le très bon accord obtenu entre le spectre expérimental et la simulation.
Références
[1] A. Campargue, O. Leshchishina, L. Wang, D. Mondelain, S. Kassi, "The WKLMC empirical line lists (5852-7919 cm‑1) for methane between 80 K and 296 K: "Final" lists for atmospheric and planetary applications", Journal of Molecular Spectroscopy, Elsevier, 2013, 291, pp.16-22. ⟨10.1016/J.JMS.2013.03.001⟩
[2] Alain Campargue, Le Wang, Didier Mondelain, Samir Kassi, Bruno Bézard, Emmanuel Lellouch, Athena Coustenis, Catherine De Bergh, Mathieu Hirtzig, Pierre Drossart, "An empirical line list for methane in the 1.26-1.71 μm region for planetary investigations (T = 80-300 K). Application to Titan", Icarus, Elsevier, 2012, 219, pp.110-128. ⟨10.1016/J.ICARUS.2012.02.015⟩
Acteurs
Alain CAMPARGUE
Samir KASSI
Didier MONDELAIN
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